Français modifier

Étymologie modifier

(XVe siècle) Emprunt au néerlandais gruizen (« broyer »), ou au normand grujaer (même sens), de la même famille germanique que gruau.

Verbe modifier

gruger transitif 1er groupe (voir la conjugaison)

  1. (Vieilli) ou (Québec) Briser quelque chose de dur ou de sec avec les dents.
    • Les petits voleurs restaient, les uns debout, les autres accotés contre le lit ou la huche, tous morveux et sales, bien portants d’ailleurs, grugeant leurs prunes sans rien dire, mais regardant l’étranger d’un œil sournois et narquois. — (Honoré de Balzac, Le Médecin de campagne, 1833, édition de 1845, chapitre premier)
    • La moindre semence de légumineuse, souvent pas plus grosse qu’une tête d’épingle, nourrit sa Bruche, un nain, qui patiemment la gruge, l’excave en habitacle ; et lui, le dodu, l’exquis, serait épargné ! — (Jean-Henri Fabre, La Bruche des haricots, Souvenirs entomologiques, 1903, série VIII, chapitre 4)
    • La population vit en paix, chaque Mante happant et grugeant ce qui passe à sa portée. — (Jean Henri Fabre; Souvenirs entomologiques)
  2. (Technique) Briser, avec un marteau à pointes de diamant, certaines matières dures qui ne pourraient être entamées par un outil tranchant.
    • On gruge les saillies du granit.
  3. (Technique) Briser, avec un grugeoir, certaines matières dures en feuilles qu’il serait incommode d’entamer avec un outil tranchant.
    • On gruge le bord d’une vitre pour l’ajuster à la feuillure.
  4. (Familier) Manger le bien de quelqu’un, lui extorquer ce qu’il possède, lui faire perdre son argent.
    • Au lieu qu’on nous mange, on nous gruge,
      On nous mine par des longueurs ;
      On fait tant, à la fin, que l’huître est pour le juge
      Les écailles pour les plaideurs.
      — (Jean de La Fontaine, Les Frelons et les Mouches à miel, 1668)
    • […] mais le mal qui l’entraînait vers la tombe est à ces chagrins visibles ce qu’est aux chagrins ordinaires d’une famille l’enfant fatal qui la gruge et la dévore. — (Honoré de Balzac, Modeste Mignon, 1844)
    • Quand Rougon lui disait : « Tes fils sont des fainéants, ils nous grugeront jusqu’à la fin », elle répondait aigrement : « Plût à Dieu que j’eusse encore de l’argent à leur donner. S’ils végètent, les pauvres garçons, c’est qu’ils n’ont pas le sou. » — (Émile Zola, La Fortune des Rougon, G. Charpentier, Paris, 1871, chapitre II ; réédition 1879, page 72)
    • Il ne lui restait plus rien des petites ressources qu’elle avait apportées en quittant la communauté et elle prétendait que mes frères, à ce moment, ne lui avaient pas donné assez, qu’ils l’avaient grugée. — (Émile Guillaumin, La vie d’un simple, 1904, page 198)
  5. (Québec) Réduire, abîmer, briser graduellement, petit à petit.
    • Les habitats de la rainette faux-grillon continuent d’être grugés partout en Montérégie et en Outaouais. — (Le Devoir, 1er septembre 2021)
    • Les marées ont pour effet de gruger la grève.
  6. (Familier) Tromper quelqu’un, le berner.
    • Dans cette affaire, je me suis fait gruger.
    • Mais le temps n’est pas à philosopher ; il nous faut éclairer le lecteur, que l’on gruge assez souvent pour lui fournir, en compensation, un conseil utile ; quel prix devez-vous mettre à votre parlementaire ? — (Boris Vian, Le prix d’un parlementaire, 1953)
    • 11 mai 1940 – Toi, tu es une innocente, tu n’as pas d’antennes. Tu seras toujours grugée par les hommes. — (Benoîte et Flora Groult, Journal à quatre mains, Denoël, 1962, page 14)

Synonymes modifier

extorquer ce que quelqu’un possède

Dérivés modifier

Traductions modifier

Prononciation modifier

Références modifier