Français modifier

Étymologie modifier

Du latin jŏcare (attesté chez Plaute), variante non déponente du latin classique jŏcari (« plaisanter, badiner »), puis « s’amuser, se divertir, jouer » en bas latin, supplantant en ce sens le classique ludēre[1].

Verbe modifier

 
Bas-relief représentant des enfants jouant. (1)
 
Un musicien de rue jouant de la musique au Rajasthan. (11)

jouer \ʒwe\ ou \ʒu.e\ transitif indirect, intransitif 1er groupe (voir la conjugaison) (pronominal : se jouer)

  1. En parlant d'un enfant, se plonger dans un monde imaginé appuyé par des éléments de la réalités dans un but de divertissement, de développement ou d'apprentissage.
    • L’enfant a besoin de jouer, et jouer ici n’est pas vide de sens et synonyme de perte de temps. Jouer, c’est développer son intelligence, son jugement, son imagination, sa créativité, son sens de l’organisation, son sens de la collaboration, son sens de l’entraide, du compromis et de l’empathie, c’est aussi être capable de faire des choix. — (Michelle Chamard, « Que voulons-nous pour nos enfants? », le 3 janvier 2015, sur le site du quotidien Le Devoir, (www.ledevoir.com))
    • Je me replie dans ma chambre, après être redescendue dans le salon où j'ai trouvé Papa, Henri et Mayeul en plein fou-rire […], et après avoir tenté de m’insérer dans le jeu de Jean-Baptiste et Diane qui jouaient au papa et à la maman, mais qui voulaient que je fasse le chien. — (Élisabeth Lucas, Les tribulations d'Aliénor en milieu étudiant (et parfois hostile), Paris : Éditions Emmanuel, 2018)
    • Les don Quichotte qui pourfendent la « théorie du genre » s’effraient en effet que des filles jouent avec des voiturettes ou que des garçons changent les couches d'un poupon ou jouent à la dînette. — (Thierry Hoquet, Des sexes innombrables. Le genre à l'épreuve de la biologie, Éditions du Seuil, 2016, introduction)
  2. (Transitif indirect) (En particulier) Jouer à un jeu : s’adonner à ce jeu identifié comme tel, en respectant ses règles précises ; le pratiquer.
    • Comme j'aime les jeux d'exercice, j'y jouois deux heures le matin et autant l'après-dînée. Mon mail s'acheva, à quoi je jouai avec madame de Frontenac, qui me disputoit sans cesse, quoiqu'elle me gagnât toujours : car, quoique je jouasse avec plus d'adresse, sa force l'emportoit par-dessus. — (Mémoires de Mlle de Montpensier, petite-fille de Henri IV, collationnés sur le manuscrit autographe, par A. Chéruel, tome 2, Paris : chez Charpentier, 1858, page 250)
    • On se marre comme des fous en jouant à chat, chat perché, et même chat-bite quand on a un peu trop picolé. — (Bérengère Krief, La prochaine fois je vous montre mon chat, Flammarion, 2015, prologue)
    • À peine fûmes-nous dans le salon, qu'elle se mit au piano, répéta les airs qu'il préfère, chanta les chansons qu'il aime, voulut qu'il jouât aux échecs avec moi. Il céda à tous ses désirs, écouta la musique, joua aux échecs, mais fut pensif le reste de la soirée; […]. — (Adélaïde de Souza, Adèle de Sénange, Londres, 1792, Éditions Payot & Rivages, 2018, lettre XV)
    • Ensemble, ils jouaient à la belote ou aux petits chevaux. Quand il y avait la foire aux Tuileries, ils y passaient des heures. — (Amélie Nothomb, Riquet à la houppe, Éditions Albin Michel, 2016)
    • Durant l'après-midi, les jeunes jouèrent au badminton dehors. Les dames se balancèrent. — (Carole Thibault, Série policière : L' Horloge: Les Jumeaux, Osmora Incorporated, 2018, chapitre 8)
    • Il n'y avait alors que les gens de l'aristocratie qui jouassent aux échecs en Angleterre, et ce noble jeu était fort à la mode parmi eux, grâce à Philidor, le plus habile et le plus célèbre joueur d’échecs du monde entier. — (« Le secret du fameux automate joueur d'échecs », dans Les Modes parisiennes illustrées, n° 1081 du 14 novembre 1863, page 548)
    • Béru et Pinuche y jouent à la belote en buvant du vin rouge. Je m'amène en plein carré de dames. Il appartient au Gros, lequel ne se tient plus de joie. — (Frédéric Dard, San-Antonio : Le coup du père François, Paris : Éditions Fleuve noir, vers 1952, réédition 1972 & 1980, chapitre 3)
  3. (Absolument) Pratiquer un jeu (un complément circonstanciel peut préciser la façon dont il est pratiqué).
    • Complètement épuisé, j’ai commencé à mal jouer. Et là, j’ai découvert un truc intéressant. Quand son adversaire jouait mal, Kučera prenait le pli, signant lui aussi une piètre performance. — (Gustavo Kuerten, Guga : Un Brésilien, une passion française, Éditions Talent Sport, Paris, 2015)
  4. (Transitif) Déplacer, mouvoir, faire bouger, en parlant d'un élément dans un jeu.
    • Livka qui avait un temps d'avance dans le développement du jeu entama la partie en jouant le pion à d4. L'Arménien répliqua par un pion à e6. Livka sortit ensuite son Cavalier à f3 et son adversaire joua un pion à f5. — (Alain Pujol, Cocktail négus, Paris : Presses de la Cité (Collection Espionnage), 1960, chapitre 7)
    • Quand les attaquants jouent le ballon dans la zone de danger, le défenseur a 50 pour cent de chances de pouvoir le dégager - ce qui signifie envoyer le ballon haut et loin des buts. — (« L'enseignement des techniques et tactiques défensives », chapitre 8 de Entraîner les jeunes footballeurs, ASEP, traduit de l'américain & révisé par Alexandre Dellal, Marion Derand & Pierre Barrieu, Éditions De Boeck, 2009, page 105)
    • Ils allèrent ensemble sur le départ des femmes, Catherine, joua sa balle rapidement, le même claquement, la même direction qui me fit tourner la tête sur la gauche attendant le bruit caractéristique de la balle dans les branches, […]. — (Gilles Berlit, Été 60... Catherine Buckaert-Weiss, Le Petit-Quevilly : Éditions Gilbert Berrubé, 2010, page 32)
    • Jouer un jeu, Le savoir bien jouer, le jouer par préférence, être dans l’usage, dans l’habitude de le jouer.
  5. (Transitif) Aux cartes, poser sur la table pour mettre en jeu conformément aux règles.
    • Si, à la seconde levée, A avait joué son 7 de cœur au lieu de son roi d’atout, cette manière inattendue de jouer aurait dû mettre votre défiance en éveil, car elle aurait indiqué soit que A est un joueur extraordinaire, soit qu'il emploie certains moyens pour deviner votre jeu. — (« Les jeux de cartes », dans la Grande encyclopédie méthodique, universelle, illustrée des jeux et des divertissements de l'esprit et du corps, Librairie illustrée, 1888, page 545)
    • (Dans une tournure ancienne et intransitive)Il en est de même du Deux de Trèfle, quand on joue en trèfle.
      Quand on joue en rouge, le Sept de cœur ou le Sept de Carreau sont la seconde Triomphe : c'est-à-dire, le Sept de Cœur quand on joue en Cœur, & le Sept de Carreau quand on joue en Carreau, & pour lors s'apellent aussi Manille.
      — (« Le Jeu de l'Hombre à Trois », dans l’Académie universelle des jeux: avec des instructions faciles pour apprendre à les bien jouer, nouvelle édition, 1re partie, Amsterdam, 1763, page 148)
  6. (Par extension) Choisir la stratégie d'une action ; agir avec tactique.
    • Si le RPR espérait consolider ses positions lors des élections sénatoriales de 1998, il ne pouvait gagner le « plateau » qu'avec l’appui des centristes. Or Jacques Chirac avait tout intérêt à jouer l’union des forces de droite plutôt que la division […]. — (René Monory, La Volonté d'agir, Éditions Odile Jacob, 2004)
  7. (Spécialement) (Sport) S’adonner à un sport d’équipe.
    • À quelques mètres des grilles, le bus est stoppé par des « supporters » qui lancent des pierres et des bombes agricoles sur le véhicule. Bloqués pendant de longues minutes et traumatisés, les joueurs rentrent en Normandie sans avoir joué. — (Tony Chapron, en collaboration avec Patrick Lafayette, Enfin libre ! Itinéraire d'un arbitre intraitable, Arthaud/Flammarion, 2018)
  8. Passer le temps à des jeux de commerce ou de hasard.
    1. (Transitif indirect) Jouer à un jeu de hasard : y engager de l’argent.
      • Pierre Guyon tenta de ramener le débat à de justes proportions : « Chaque dimanche, plus de six millions de personnes jouent au tiercé dans le PMU de leur quartier ou de leur localité. » — (Paul Chantrel & Jean-Claude Hallé, Le marginal, Éditions Julliard, 1979, chapitre 58)
      • La reine était dans la plus grande détresse de voir son fils compromis dans une telle affaire. À elle, il donna l’assurance qu’il ne jouerait plus à des jeux de hasard, et qu’il ne permettrait pas en sa présence que l’on jouât au baccara. — (Léon Lemonnier, Édouard VII: le roi de l’Entente cordiale, Librairie Hachette, 1949, page 142)
      • Il était d'un rat ! imaginez-vous, le soir, en se couchant, il cachait ses louis dans ses bottes, et quand nous jouions au bésigue, il mettait des haricots, parce qu'un jour j'avais fait la blague de sauter sur l'enjeu. — (Zola, Nana, 1880, page 1482)
    2. (Transitif) Jouer une somme d’argent, un objet de valeur : l’hasarder au jeu ou en bourse ; la miser ; spéculer.
      • J'allai trouver M. J. N., agent de change, qui voulait absolument que je jouasse à la baisse, mais je me gardai bien d'écouter ses conseils. J’opérai à 53, et un peu plus tard je réalisai à 62. — (Adélaïde Millo de Campestre, Mémoires de madame de Campestre, tome 1, Paris : chez M. Antenor de Campestre, 1827, page 325)
      • Le marquis faisait des affaires avec sagacité ; à portée de savoir des nouvelles, il jouait à la rente avec bonheur. — (Stendhal, Le Rouge et le Noir, 1830, page 264)
      • Je suis un joueur, moi (...). Je joue sur les chevaux, je joue sur les cotons, je joue sur les cailloux et sur les perles... Je joue sur les jolies filles. — (Druon, Gdes fam., t. 1, 1948, page 83)
      • Le ministre des finances, sans le vouloir, précipita les événements. En ce moment il jouait à la baisse : pour déterminer une panique, il fit courir à la bourse le bruit que la guerre était désormais inévitable. L’empereur voisin, trompé par cette manœuvre et s’attendant à voir son territoire envahi, mobilisa ses troupes en toute hâte. — (France, Île ping. ,1908, page 390)
      • (Sens figuré) Le jeune homme qui courtise la fortune doit savoir jouer sur la vanité des salons qu'il fréquente. — (Stendhal, Mémoires d’un touriste, t. 2, 1838, page 358)
      1. (Par analogie) (Transitif) Jouer sa vie, un sentiment fort, une reconnaissance : l’exposer témérairement.
        • Mais quand il s'y risqua , il aurait dû savoir qu'il jouait sa vie. Jamais on n'a vu de gouvernement , quelque libéral qu'il puisse être , admettre la pratique que l’insurrection contre lui doit rester impunie. — (John Lingard, Histoire d'Angleterre, depuis la première invasion des Romains, traduite de l'anglais par M. le Chevalier de Ronjoux, tome 12, Louvain : chez Vanlinthout & Vandenzande, 1831, page 190)
        • Tous les journaux en étaient pleins. Des millions et des millions de regards étaient fixés sur la scène où défilaient ces acteurs qui jouaient leur honneur et leur vie. — (Joseph Reinach, Histoire de l'affaire Dreyfus, tome 3 : La crise : Procès Esterhazy - Procès Zola, Éditions de la Revue blanche, 1903, page 404)
    3. (Transitif) Jouer quelque chose : mettre en jeu ; désigner comme prix qui sera remis au vainqueur.
      • Les dés avaient roulé comme lorsque les soldats romains s’étaient mis à jouer la tunique du rabbi Jésus. — (Patrick Buisson, Décadanse , Albin Michel, 2023, page 138)
  9. (Transitif indirect) Jouer d’une situation, d’un sentiment, d’une idée : l’exploiter pour en tirer parti, l’utiliser pour parvenir à ses fins.
    • S'il est un domaine où les pays occidentaux doivent aussi se serrer les coudes, c'est celui de la lutte contre le terrorisme. Forme de guerre moderne, ce dernier joue de la peur pour imposer ses vues. — (Alain Redslob, La traversée de la Seine : De Matignon à l’Élysée ?, Éditions France-Empire, 1987, chapitre 4, § 3)
    • Contraint mais pas forcé, l’ancien champion se lance à corps perdu dans le projet, joue de la sympathie dont il jouit partout, notamment au CIO, pour faire passer les messages parisiens, transforme la maire Anne Hidalgo, longtemps réticente, en passionaria du dossier. — (JO-2024: les fabuleux destins de Tony Estanguet, AFP le 14.09.2017, sur le site de Challenges (www.challenges.fr))
    • La force collectiviste de la religion a été mentionnée aussi notamment par Marx, […], elle serait capable de transformer les foules, ce pourquoi d’ailleurs maints gouvernements jouent de la religion pour parvenir à leurs fins. — (La religion - Philosophie - Terminale ES, chapitre II, § A, sur le site Super BAC ES (www.bac-es.net), non daté, consulté le 6/02/2020)
  10. (Transitif indirect) Jouer d’une arme blanche : l’utiliser avec habileté et ténacité.
    • Il était 6 heures du matin ; sautant leur petit mur, ils se précipitèrent vers un des postes où les Arabes étaient en train de manger leur couscouss, jouèrent de la baïonnette, allant vigoureusement, culbutèrent; […]. — (« Sidi Brahim », dans Armée et marine, dirigé par Jules de Cuverville, tome 1, 1906, page 158)
    • Les combattants marocains des troupes franquistes étaient experts dans ces sortes de coups de main, ils s’infiltraient en profondeur dans les lignes ennemies et jouaient du couteau sans états d'âme. Ils s'en délectaient. — (Arturo Pérez-Reverte, Falcó, traduit de l'espagnol par Gabriel Iaculli, Éditions du Seuil, 2018, chapitre 5)
  11. (Transitif indirect) (Par extension) Jouer d’un instrument de musique : s’en servir, en tirer des sons.
    • […]; la domesticité nobiliaire était fort recherchée, et il ne faudrait pas conclure que l’instruction musicale fût assez répandue à cette époque pour que tous les laquais jouassent du violon. — (Ludovic Celler, Les Origines de l'opéra et le ballet de la Reine (1581), étude sur les danses, la musique, les orchestres et la mise en scène au XVIe siècle, chap 5 : Baltazarini, Didier : chez Didier & Cie, 1868, page 135)
    • Et comme l’instrument du sensible troubadour était presque aussi connu que sa personne, que d'ailleurs il n'y avait guère que lui qui jouât de la guitare dans le pays , chacun s'était écrié : « […] ». — (Paul de Kock, L'amant de la lune, Bruxelles : chez Meline, Cans & Cie, 1847, page 52)
    1. (Par métonymie) (Transitif) Jouer une note, un ensemble de notes : l’exécuter sur un instrument, faire émettre ces sons par un instrument.
      • Une recette, c’est comme une partition. La musicienne lit les notes qui se présentent à elle et, simultanément, elle en entend la mélodie : les voir c’est les entendre, avant même de les jouer. — (Françoise Vergès, À vos mangues !, traduction de Dominique Malaquais, dans Politique africaine, 2005/4, n° 100, page 319)
      • […] : c'étaient les abonnés du Conservatoire qui, ce jour-là, faisaient preuve d'une vive et intelligente curiosité; ils étaient venus chez M. Seghers, parce que l'on y jouait une symphonie nouvelle de Mendelssohn, […]. — (Léon Kreutzer, « Société des Concerts et Société Sainte-Cécile », dans la Revue et gazette musicale de Paris, 20e année - n° 15 du 10 avril 1853, page 129)
      • Tenant dans ses bras Marie, âgée de trois ans, il la présentait avec orgueil aux ambassadeurs étrangers et voulait qu'elle jouât du clavecin en leur présence. C’était merveille de voir courir de si faibles doigts sur les touches avec précision et rapidité. — (Adelaïde Celliez, « Marie Tudor », dans Les Reines d'Angleterre, Paris : chez P.-C. Lehuby, 1852, page 461)
      • Vous entendez les hautbois ? Ils jouent le prélude de Lohengrin et se répondent d'une tour à l'autre de mon château. — (Thierry Debroux, Le Roi Lune : théâtre, créée au Théâtre du Méridien de Bruxelles le 26 avril 2005, Éditions Lansman, 2005, page 47)
      • Le nombre et la place des trous du tuyau varie selon le type de musique que l'on joue. À l'origine, il est souvent fixé impérativement par des règles d'origine extra-acoustique, magiques ou religieuses. — (Émile Leipp, Acoustique et musique: données physiques et technologiques, […] , Éditions Masson, 1971 , page 233)
      1. (Absolument) Émettre de la musique.
        • Il est une heure. Un accordéon joue dehors. — (Félix Leclerc, Moi, mes souliers, 1955)
        • Dans leur moitié de monde, sans doute, un orchestre jouait au loin, des oiseaux bleus gazouillaient, des petits nuages roses défilaient en trombe dans le ciel, enfin tout ce qui se passe dans ces moments-là. — (Terry Pratchett, Les Annales du Disque-monde, tome 5 : Sourcellerie, traduit de l'anglais par Patrick Couton, Nantes : L'Atalante, 2012)
  12. (Sens figuré) (Transitif indirect) Jouer avec sa vie, sa santé : prendre des risques ; user sans ménagement.
    • Elle n’avait pas envie d’entendre une ixième fois le discours que servait son homme quand on lui disait qu’il jouait avec sa santé. Oh ! Après tout, il fait ce qu’il veut ! — (Pieter Aspe, Le Tableau volé, traduit du néerlandais par Emmanuèle Sandron, Éditions Albin Michel, 2011, chapitre 3)
    • Le sultan retrouva son calme. Je m’aperçus qu’il n’aimais rien tant que la joute verbale. Il aimait le répondant. Il aimait aussi que son interlocuteur jouât avec sa vie. — (Olivier Weber, L'Enchantement du monde, Éditions Flammarion, 2015, chapitre 38)
  13. Se mouvoir, avoir l’aisance et la faculté du mouvement. — Note : En ce sens, il se dit surtout des ressorts, des machines, etc.
    • Un serrurier fut requis, et on monta au premier étage.
      Après quelques difficultés, le pêne joua dans la serrure ; mais la porte me s'ouvrit pas.
      — Fermée en dedans, dit l'inspecteur, bien !
      — (Adolphe Belot & Jules Dautin, Le Parricide, tome 1, 2e éd., Paris : chez E. Dentu, 1873, page 3)
    • Il va à sa table, fait jouer un tiroir et y enfouit la montre de Breloc. — (Georges Courteline, Le commissaire est bon enfant, 1899)
    • Il fit jouer le commutateur électrique. — (Pierre Benoit, Le Soleil de minuit, Albin Michel, 1930, réédition Le Livre de Poche, page 88)
    • Le châssis grinça encore, puis, dans un crissement horripilant, le levier joua et la roue trembla et retomba dans l’eau dans un fracas tonitruant. — (Tad Williams, L’arcane des épées, tome 8 : La tour de l’ange vert, traduit de l’américain par Jacques Collin, Editions Pocket/12-21, 2016)
    • Lorsque le tenon joue dans la mortaise, l’assemblage se trouve promptement détruit par les efforts auxquels il est nécessairement soumis. — (De la charpente : comprenant les assemblages, les poutres armées, […], et la manière d’exécuter ces ouvrages, Bruxelles : au bureau de la Bibliothèque rurale, 1852, page 8)
  14. (Transitif) (Sens figuré) Jouer quelqu’un : le tromper ; l’abuser.
    • Quelle n'est donc pas notre folie, chrétiens auditeurs, de faire tant pour le monde et si peu pour Dieu ! de travailler sans cesse pour ce monde ennemi qui nous joue , qui nous tient dans les ténèbres du péché, qui nous enlève toutes les consolations de la vertu, […]. — (Abbé Joseph-Innocent Ricaud, Cours d'homélies sur les évangiles des dimanches de l'année, tome 3, 2e éd., Avignon : chez Seguin Aîné, 1854, page 240)
    • — Oh ! remarquez-vous, ma tante, dit la jeune Martine, sœur Agnès et sœur Claire qui pleurent auprès d’elle ?
      — Ma nièce, elles se désolent d’être la proie du démon.
      — Ou se repentent, dit la même voix d’homme, d’avoir joué le ciel.
      — (Alfred de Vigny, Cinq-Mars, Michel Lévy frères, 1863)
    • Thommereux. — Oui, oui… Je ne vois pas bien en quoi une partie d’écarté…
      Ribadier. — Comment, tu ne saisis pas ?… Eh ! parbleu, il s’agit de jouer ma femme !
      Thommereux. — À l’écarté ! Ah ! non alors ! Au baccara plutôt ! J’y ai la veine !
      Ribadier. — Quoi ? Qu’est-ce que tu vas comprendre ! Nous allons jouer ma femme… Nous allons lui donner le change, quoi !
      Thommereux. — Ah ! bon !
      (À part.) Ça m’étonnait aussi de sa part ! — (Georges Feydeau, Le Système Ribadier, 1892, acte II, scène 8)
    • — Ainsi, Roger, tu as cru abuser l’Allemagne ? Malheureux, malheureux ! C’est elle qui t’aura joué comme un enfant. — (Pierre Benoit, La Chaussée des géants, 1922, Albin Michel, réédition Le Livre de Poche, page 306.)
    • Il rit beaucoup quand il comprit qu’il avait été joué. — (Simone de Beauvoir, Mémoires d’une jeune fille rangée, 1958, réédition Le Livre de Poche, page 470)
    • Dès qu’il fit ce geste, je bondis à mon tour et traversai l’allée. Je le vis, comme dans un rêve, se hâter de saisir l’arme, mais j’étais déjà à couvert quand il épaula. […] Je l’avais joué. — (Pierre Boulle, La Planète des singes, Julliard, 1994, page 56)
    • J'imaginais mes histoires d'amour bien plus que je ne les vivais.[…]. Mais je les ai vécues quand même. L'intensité n'est peut-être au fond qu'une question de regard. Je me suis fait jouer plusieurs fois, comme ça. Les hommes confondent souvent la générosité avec le manque d'intelligence. — (Sylvie Desrosiers, Voyage à Lointainville, Montréal (Québec) : Éditions La courte échelle, 2004, page 57)
  15. (Transitif indirect) (Sens figuré) Jouer de quelqu’un : le tromper ; l’abuser. Note : l’usage pronominal se jouer de a le même sens.
    • M’as-tu bien amené à ce que tu voulais, et je ne me suis douté de rien ; tu as joué de moi comme d’un vieux pantin. — (Hector Malot, La Belle Madame Donis, 1873)
  16. (Théâtre, Cinéma) (Transitif) Jouer une pièce de théâtre, un personnage : la représenter ; l’incarner.
    • On eût désiré que la scène du défi devînt plus piquante; que Boileau jouât un personnage moins subalterne; surtout, que Philippe, dans son joyeux délire , n'eût pas l'air si sûr de ses avantages sur le poëte satyrique , et ne se comparât point avec Homère. — (L. C., « Théâtre du Vaudeville : Philippe le savoyard », dans La Décade philosophique, littéraire et politique, Paris : au bureau de la revue, an IX, 2e trimestre (nivôse, pluviôse, ventôse), page 566)
    • Les principaux acteurs étaient M. de Voltaire qui s'était chargé des rôles de vieillards, madame Denis qui jouait les amantes passionnées , un imprimeur de Genève , appelé Craner, qu'on habillait en Gengis-kan ou en Orosmane, et Chabanon qui avait l’emploi des jeunes premiers. — (« Mémoires sur la vie de M. de La Harpe », dans Œuvres choisies et posthumes de M. de La Harpe de l'Académie française, tome 1, Paris : chez Migneret, 1816, page xxj)
    • Le tribunal était comme un théâtre. Les avocats s’animaient comme s’ils jouaient une pièce de Shakespeare. Ils parlaient haut et fort avec une désinvolture qui caractérise les acteurs de théâtre. — (Frédéric Hoebeeck, « Cette blessure: Souvenirs d'un enfant de l'assistance publique », Watermael-Boitsfort : Éditions Checopa & Paris : BoD/Books on Demand, 2017, page 287)
    1. (Par analogie) (Transitif) Jouer un sentiment, un stéréotype : feindre ce sentiment qu’on n’éprouve pourtant pas.
      • — Oh toi, ronchonne-t-elle, tu joues l’esprit fort, n’empêche que tu dormais mal, souviens-toi. Et que t'as été bien content de rhabiter Paris. — (Frédéric Dard, San-Antonio, n° 63 : Faut être logique, Éditions Fleuve Noir, 1967)
      • Simon a passé une heure sur ce toboggan, hier soir, en présence de son père. Il n'est pas tombé une seule fois. Alors cesse de jouer les rabat-joie et écoute ce que j'ai à te dire. — (Kay Stockham, Les promesses du Tennessee, traduit de l'anglais par Isabel Wolff-Perry, éd.Harlequin, 2010, chapitre 8)
      • Nos parents jouèrent la surprise avec brio en déballant leur cadeau, ce qui nous rendit heureux et fiers, au bord des larmes de bonheur... La réalité est que le couple qui tenait la succursale du Primistère, amusé et surpris de notre démarche, n'avait pu tenir sa langue. — (Alain René Poirier, Souvenirs mélangés d'un Parisien malgré lui, Paris : BoD/Books on Demand, 2017, page 87)
    2. (Absolument) Pratiquer une activité scénique (théâtre, spectacle, concert, …) ; se produire sur scène.
      • Les acteurs, soit qu'ils jouassent ou ne jouassent point dans la pièce, avaient leur entrée dans la salle, et les conservèrent tant que ces petites fêtes particulières eurent lieu. J'ai dit que les femmes n'y étaient pas admises ; mais les actrices qui ne jouaient pas étaient placées dans une loge située le long des coulisses, […]. — (Pierre Laujon, Spectacle des petits cabinets de Louis XV, dans Œuvres choisies de P. Laujon, membre de l'Institut, tome 1, Paris : chez Léopold Collin & chez Patris & Cie, 1811)
      • Cela ne l’empêchait nullement de réclamer à Jim des entrées de faveur lorsqu’il jouait dans un music-hall à Paris. — (Francis Carco, L’Homme de minuit, Éditions Albin Michel, Paris, 1938.)
    3. (Sens figuré) (Transitif) Jouer un rôle, une fonction : être l’acteur de cette fonction, l’accomplir. — Note : voir aussi l'expression jouer un rôle.
      • […].. et vous vous en prenez à moi, à moi qui devrais plutôt vous en vouloir ; car, enfin , vous m’avez rebuté, et il n’a pas dépendu de moi que je ne jouasse aujourd'hui le premier rôle dans la cérémonie qui se prépare. — (Armand Overnay & Théodore Nézel, La nuit des noces, drame en trois actes, acte 1, scène 6, créé au Théâtre de l'Ambigu-Comique, le 24 janvier 1826, Paris : chez Duvernois, 1826, page 10)
      • On chercherait en vain une fonction analogue dans le rôle que joue la raison dans la théologie chrétienne. — (Édouard Burnier, Bible et théologie: essais critiques, éditions F. Roth, 1943, page 112)
      • C'est la position que défend Freud, ce qui explique, selon lui, le rôle que joue la haine dans la vie des individus et des sociétés humaines. — (Jacob Rogozinski, Djihadisme : le retour du sacrifice, Éditions Desclée De Brouwer, 2017)
      1. (En particulier) Remplacer dans la fonction ; se substituer à.
        • Lorsque je prétends que « voler un voleur n'est pas méprisable » ce n'est pas une raison pour que tes sbires chargés de faire respecter l'ordre et la morale en déduisent qu'ils peuvent jouer les ripous avec des voyous, ou leur piquer la came en étouffant l'affaire. — (René Paloc, S’indigner ne suffit plus: France, ta République fout le camp, Mon Petit Éditeur, 2014, page 83)
  17. (Par analogie) (Absolument) Tenir un rôle ; prendre de l’importance ; s’appliquer.
    • Ces clauses jouent généralement lorsque l’entreprise est proche de la faillite. Toutefois, l’application de ces clauses est subordonnée à des garanties d'emploi et à l’approbation du syndicat et de la fédération d’employeurs. — (Études économiques de l’OCDE : Allemagne, 1997, page 137)
  18. (Théâtre, Cinéma) (Transitif) Jouer quelqu’un : le railler, le tourner en ridicule sur scène.
    • La fameuse bulle Unigenitus était le sujet de la querelle. Les Jésuites, soutiens de la bulle, jouaient leurs adversaires dans des comédies qu'ils faisaient représenter par leurs élèves. — (C. D., « Bougeant (Guillaume-Hyacinthe) », dans la Biographie bretonne: recueil de notices sur tous les Bretons qui se sont fait un nom, par P. Levot, tome 1, Vannes : chez Cauderan, & Paris : chez J. Le Doyen & P. Giret, & chez Dumoulin, 1852, page 153)
    • « Les ouvrages les plus rares, les belles éditions, tout est consumé au fur et à mesure qu'on découvre un auteur païen ou un philosophe...[…]. Molière qui joua les faux dévots, La Fontaine qui fit parler les bêtes, Voltaire, Rousseau, d'Alembert, La Harpe, etc., etc., sont réduits en cendres. De pareils auto-da-fé sont des crimes irrémissibles et une injure faite au siècle où nous vivons. » — (Charles-Olivier Carbonell, L'autre Champollion: Jacques-Joseph Champollion-Figeac, 1778-1867, Presses de l'Institut d'études politiques de Toulouse, 1984, page 25)
  19. (Transitif) Jouer quelque chose : l’imiter, en prendre l’apparence.
    • Ce papier joue le velours. — Cette étoffe joue la soie. — Cette composition joue le diamant.
  20. (Familier) (Vieilli) Jouer un film : le diffuser, au cinéma ou à la télévision.
    • — Après toute cette pluie, on a besoin de voir un peu la ville.
      — « Et de se réchauffer... »
      — Qu'est-ce qu'on joue au ciné ?
      — Ah non, pas de cinéma. On joue « Le Pont des soupirs... »
      — (Gaston Bonheur, À Fréjus ce soir-là, Éditions Julliard, 1960, page 97)
    • Tandis que là, elle n'en finissait pas sa dernière heure !
      D'autant qu'elle me dit :
      — Qu'est-ce qu'on joue ce soir à la télé ?
      Je lui dis :
      Les cinq dernières minutes, belle-maman !
      Elle me dit :
      — Oh, c'est plus qu'il ne m'en faut ! Et elle s'installe devant le poste.
      — (Raymond Devos, « La Dernière heure », 1977, en réunion dans Matière à rire : l'intégrale, Éditions Plon, 2015)
  21. (À la forme passive) Être joué : être fini ; être terminé ; ne plus être d’actualité.
    • Quand Olivier Émery était au fond du trou comme aujourd'hui, il n'avait plus aucun espoir et pressentait que tout était joué. Téléphoner à FIP ne servirait plus à rien, aucun réconfort ne lui parviendrait, […]. — (Jean-Marc Souvira, Le Vent t'emportera, Éditions Fleuve Noir, 2011, chapitre 24)
  22. (Équitation) Mordre ou mâcher, en parlant du cheval avec son mors.
    • Le fiacre passa sans s'arrêter, tiré par un cheval roux et noir écumant de sueur, les oreilles baissées, qui jouait avec son mors comme s'il cherchait à le recracher. — (Robin Schone, Le club, tome 2 : Pour l'amour de Rose, traduit de l'anglais (États-Unis) par Camille Dubois, Éditions J'ai lu, 2016, chapitre 1)
    • En termes de Manége, Ce cheval badine avec son mors, Il joue avec son frein. — (Dictionnaire de l'Académie française, 6e édition, tome 1, Paris : chez Firmin Didot frères, 1835, page 148)

Synonymes modifier

Dérivés modifier

Apparentés étymologiques modifier

Proverbes et phrases toutes faites modifier

Vocabulaire apparenté par le sens modifier

Traductions modifier

Prononciation modifier

  • \ʒwe\
    • France (Paris) : écouter « jouer [ʒwe] »
    • France (Vosges) : écouter « jouer [ʒwe] »
    • France (Brétigny-sur-Orge) : écouter « jouer [ʒwe] »
    • France (Paris) : écouter « jouer [ʒwe] »
    • France (Vosges) : écouter « jouer [ʒwe] »
    • France (Hérault) : écouter « jouer [ʒwe] »
    • France (Metz) : écouter « jouer [ʒwe] »
    • France : écouter « jouer [ʒwe] »
    • canton du Valais (Suisse) : écouter « jouer [ʒwe] »
  • \ʒu.e\
    • France : écouter « jouer [ʒu.e] »
    • France : écouter « jouer [ʒu.e] »
    • France (Massy) : écouter « jouer [ʒu.e] »
    • Suisse (Genève) : écouter « jouer [ʒu.e] »
    • France (Toulouse) : écouter « jouer [ʒu.e] »
    • France (Grenoble) : écouter « jouer [ʒu.e] »
    • France (Vosges) : écouter « jouer [ʒu.e] »
    • Suisse (canton du Valais) : écouter « jouer [ʒu.e] »
    • France (Lyon) : écouter « jouer [ʒu.e] »
    • (Région à préciser) : écouter « jouer [ʒu.e] »
    • Suisse (Lausanne) : écouter « jouer [ʒu.e] »
    • (Région à préciser) : écouter « jouer [ʒu.e] »
    • France (Cesseras) : écouter « jouer [ʒu.e] »
    • (Région à préciser) : écouter « jouer [ʒu.e] »
  • Mulhouse (France) : écouter « jouer [Prononciation ?] »
  • (Région à préciser) : écouter « jouer [Prononciation ?] »
  • Grenoble (France) : écouter « jouer [Prononciation ?] »

Anagrammes modifier

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Voir aussi modifier

  • jouer sur le Dico des Ados  

Références modifier

Ancien français modifier

Verbe modifier

jouer \Prononciation ?\

  1. Variante de joer.

Références modifier