crever
Étymologie
modifier- Du latin crepare (« éclater [en parlant d'un son] ») ; on est passé du sens de « éclater » à celui de « fendre » (voyez le substantif une crevée) pour aboutir à celui de « mourir ». Voyez, dans un domaine plus ludique, le parallèle entre « éclater de rire », « se fendre la gueule » et « mourir de rire ».
Verbe
modifiercrever \kʁə.ve\ intransitif 1er groupe (voir la conjugaison) (pronominal : se crever)
- S’ouvrir par un effort violent.
Nous traversâmes un large guéret dont les mottes crevaient sous nos pas en poussière rouge ; […].
— (Octave Mirbeau, Le Père Nicolas, dans Lettres de ma chaumière, 1885)Ce sac crèvera, si vous l’emplissez tant.
Ce tuyau est trop faible, il est à craindre qu’il ne crève.
Le nuage est près de crever.
L’orage crèvera bientôt.
L’abcès, la tumeur n’est pas encore près de crever.
Le pneu de sa bicyclette, de son auto a crevé.
- (Familier) Mourir.
C’est un bien joli métier ; ceux qui le font, au bout d’un mois ou deux, attrapent la colique de plomb... Sur trois coliqués, il y en a un qui crève... Par exemple, faut être juste, les deux autres crèvent aussi... mais à leur aise... ils prennent leur temps... se gobergent et durent environ un an, dix-huit mois au plus. Après ça, le métier n’est pas si mal payé qu’un autre, et il y a des gens nés coiffés qui y résistent deux ou trois ans... Mais ceux-la sont les anciens, les centenaires des blanc-de-cérusiens.
— (Eugène Sue, Les Mystères de Paris, tome 2, 1888, page 277)D’écœurement, de dégoût et d’indigestion, Tintin vomit tripes et boyaux et faillit en crever pendant la nuit.
— (Louis Pergaud, La Traque aux nids, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)Mais le plus drôle, c'était quand les deux mâles de la tribu Sauveterre, flanqués d’Eugénie, s’esclaffaient devant une toile du peintre placée contre le mur. C'était à crever de rire, à se rouler par terre. Feu roulant de lazzis ! blagues sans nom !
— (Pierre Dominique, « Les poux du lion », dans Les Œuvres Libres, no 69, février 1927, Paris : chez Arthème Fayard et Cie, page 212)Que cela ne vaut plus la peine de lutter, que sa carrière est finie, qu'il aime autant crever tout de suite... Car il dit crever !
— (Georges Simenon, Le Blanc à lunettes, chapitre VIII, Gallimard, 1937)…par anesthésie le poisson se retourne et flotte, le ventre en l’air. C’est ce qui arrive également aux poissons fatigués, sur le point de crever ou venant d’être pêchés.
— (Paul Bougis, Atlas des poissons – Fascicule I : Poissons marins, Tome I, 1959)— À présent, je voudrais qu’on me foute la paix… tu comprends ! Qu’on pense ce qu’on voudra, mais qu’on me foute la paix… Qu’on me laisse travailler tranquille, et crever tranquille… C’est tout ce que je demande !
— (Bernard Clavel, Les Fruits de l’hiver, chapitre 47, Robert Laffont, 1968)La fatigue physique et psychologique du personnel, le scandale des gens qui crèvent seuls, le système qui ne tient qu’à un fil.
— (Richard Martineau, Couvre-feu: cessons de nous foutre des autres, Le Journal de Québec, 16 janvier 2021)- Crever de faim, de soif, (Sens figuré) avoir une grande faim, une grande soif.
- Crever de chaleur, (Sens figuré) avoir excessivement chaud.
— Car, en vérité, poursuivit-il en se croisant les jambes et en se couchant dans un fauteuil, je m’ennuie énormément. — Sitôt que je m’assieds, je crève d’ennui.
— (Alfred de Vigny, Servitude et grandeur militaires, 1835)
crever transitif
- Ouvrir, faire éclater par un effort violent.
Le débordement des eaux a crevé la digue. Crever un sac à force de le remplir.
Un gros poisson creva les filets. Crever le fiel d’un poisson en l’éventrant.
- (Par extension) (Familier) Rendre malade ; faire presque mourir par un excès de fatigue ou de nourriture.
— Pourriez-vous me dire comment elle est devenue si rondelette.
— (Denis Diderot, Mémoires, correspondance et ouvrages inédits, Paris : Paulin, 2e édition, 1834, tome 1, page 168)
— Pardi, en se crevant de mangeaille comme vous et moi.Le pauvre mari endurait les souffrances les plus cruelles. Pour les oublier, il chassait avec rage, crevant chiens, chevaux et piqueurs.
— (Anatole France, Les Sept Femmes de la Barbe-Bleue et autres contes merveilleux, 1909)- Se crever les yeux, (Sens propre) Se les détruire volontairement. (Par extension) (Familier) Altérer l’organe de la vue par un travail excessif ou fait dans de mauvaises conditions d’éclairage ou autres.
Se crever de travail.
Se crever de mangeaille.
- (Très familier) Tuer.
Il l’a dit ! Il a dit le nom maudit ! Je vais le crever comme les autres !
— (Maëster, Sœur Marie-Thérèse des Batignolles : Sur la Terre comme au ciel…, AUDIE, ISBN 978-2858154012)
- (Sens figuré) Illuminer.
Les lumières de Pointe-à-Pitre crèvent la nuit.
— (Jean-Louis Le Touzet, Francis Joyon, un marin d’un autre âge vainqueur de la Route du rhum, Le Monde. Mis en ligne le 12 novembre 2018)
Dérivés
modifier- crevable
- crevaison
- crevard
- crève-chien
- crève-cœur
- crève-la-dalle
- crève-la-faim
- crever comme un chien
- crever comme un vieux mousquet
- crever dans sa peau, (Sens figuré) (Familier) être gras à pleine peau, à ne plus tenir dans ses habits)
- crever de quelque chose (en être trop rempli)
- crever de rire (rire de bon cœur, largement, bruyamment)
- crever d’embonpoint (être excessivement gras)
- crever la gueule ouverte (Sens figuré) (décéder sans pouvoir obtenir d’aide)
- crever le cœur (causer une grande compassion, mêlée quelquefois d’horreur)
- crever l’écran
- crever le plafond
- crever les yeux (se dit des choses qu’on a sous les yeux et que cependant on ne voit pas)
- faire crever le riz (le faire gonfler à l’eau bouillante)
- increvable
Proverbes et phrases toutes faites
modifierSynonymes
modifier- → voir mourir#Synonymes
Traductions
modifierÉclater
- Allemand : bersten (de), platzen (de) (vor Neid ~), zerspringen (de), zerplatzen (de), zerreißen (de) (das Herz ~), sich entladen (de) (Wolken; Sturm), zerbersten (de), ausstechen (de)
- Anglais : to burst (en)
- Breton : kreviñ (br)
- Espagnol : estallar (es), explotar (es), reventar (es)
- Espéranto : klaki (eo)
- Francoprovençal : crevar (*)
- Occitan : espetar (oc), crebar (oc), petar (oc)
- Same du Nord : ráigánit (*)
- Sarthois : querver (*)
- Suédois : spricka (sv), springa sönder (sv)
- Turc : şiddetle açılmak (tr)
Mourir
- Afrikaans : vrek (af)
- Allemand : sterben (de) (vor Hunger ~, vor Durst ~) krepieren (de), eingehen (de), verrecken (de) (Vulgaire), sich vom Acker machen (de) masculin, krepieren (de)
- Anglais : to croak (en) (Argot), to kick the bucket (en)
- Breton : kreviñ (br)
- Espagnol : morir (es)
- Espéranto : mortaĉi (eo)
- Francoprovençal : crevar (*)
- Néerlandais : barsten (nl) ; scheuren (nl), springen (nl) ; bersten (nl)
- Occitan : crebar (oc)
- Polonais : zdechnąć (pl)
- Sarthois : querver (*)
- Suédois : förgås (sv), spricka (sv)
- Turc : ölmek (tr)
Traductions à trier
modifier- Catalan : crebar (ca), esclatar (ca), petar (ca), rebentar (ca)
- Danois : briste (da)
- Espagnol : estallar (es), reventar (es)
- Espéranto : krevi (eo)
- Féroïen : skrædna (fo), bresta (fo)
- Finnois : haljeta (fi)
- Frison : barste (fy)
- Ido : krevar (io)
- Italien : crepare (it)
- Néerlandais : openbarsten (nl) ; openbersten (nl)
- Portugais : arrebentar (pt), estourar (pt), fender-se (pt), pipocar (pt), rachar-se (pt)
- Roumain : crăpa (ro)
- Russe : сдохнуть (ru) sdóxnut’ (parfait) (2), сдыхать (ru) sdyxát’ (imparfait) (2)
Prononciation
modifier- France : écouter « crever [kʁǝ.ve] »
- France (Lyon) : écouter « crever [Prononciation ?] »
- France (Vosges) : écouter « crever [Prononciation ?] »
- France (Vosges) : écouter « crever [Prononciation ?] »
- Somain (France) : écouter « crever [Prononciation ?] »
Références
modifier- « crever », dans TLFi, Le Trésor de la langue française informatisé, 1971–1994 → consulter cet ouvrage
- Tout ou partie de cet article a été extrait du Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition, 1932-1935 (crever), mais l’article a pu être modifié depuis.
Étymologie
modifier- Du latin crepare.
Verbe
modifiercrever *\Prononciation ?\ transitif (voir la conjugaison)
Références
modifier- Frédéric Godefroy, Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle, édition de F. Vieweg, Paris, 1881–1902 → consulter cet ouvrage