Français modifier

Étymologie modifier

Du moyen français cuisage, signifiant "action de cuire —- des aliments céréaliers tels le pain, les pâtes, etc.", puis, par extension, ayant désigné le "droit de cuire le pain —- principalement —-(au four banal)".

La confusion moderne autour du sens accordé à cuissage provient d'une corruption de sens qui a fait de droit de cuisage, qui se disait aussi de cuissage, variante de même sens[1], un terme qui désignait une simple redevance féodale pour le droit de cuire le pain dans un four seigneurial, en particulier quand le four communal débordait d'utilisateurs: Du cuissage de .XII. d. pour sextier de blé cuit en icelle (ville). (1358, Compt. mtm. de Tours, p. 11, Delaville.)[2]. L'expression fut d'abord récupérée par le jurisconsulte français Jean Papon[3], qui en fit apparemment le premier un "droit" mythique qui aurait conféré au seigneur le privilège de déflorer l'épouse nouvellement mariée. On sait aujourd'hui qu'il s'agit là d'une des affabulations les plus persistantes et les plus pernicieuses de l'histoire puisque la croyance en l'existence juridique d'un tel "droit" de l'Ancien Régime, privilège souvent appelé également droit de jambage, "de dépucelage", ou encore, en langage de jurisprudence mythologique, le jus primae noctis, est encore très répandue dans tous les média et auprès du public en général. Une étude solide et très fouillée, (publiée dans le sillage du mégasuccès du film Coeur vaillant [4], dans lequel la croisade du héros William Wallace contre l'envahisseur anglais origine du meurtre qu'il a commis contre son seigneur, qui s'était servi de cette prérogative mythique du jus primae noctis pour dépuceler la femme que Wallace voulait épouser) a systématiquement démonté les bases de ce mythe. Un tel droit féodal n'est appuyé par aucun document historique[5], et pourtant, des rappels à la réalité doivent être encore faits pour désamorcer la diffusion de cette croyance. Il ne faut pas s'étonner que ce mythe ait la vie si dure quand même le grand Voltaire s'y était fait prendre:

« Les usages les plus ridicules et les plus barbares étaient alors établis. Les seigneurs avaient imaginé le droit de cuissage, de markette, de prélibation ; c’était celui de coucher la première nuit avec les nouvelles mariées leurs vassales roturières. Des évêques, des abbés, eurent ce droit en qualité de hauts barons ; et quelques-uns se sont fait payer, au dernier siècle, par leurs sujets, la renonciation à ce droit étrange, qui s’étendit en Écosse, en Lombardie, en Allemagne, et dans les provinces de France. Voilà les mœurs qui régnaient dans le temps des croisades.[6] »

L'origine de ce terme n'a donc rien à voir avec cuisse; ce n'est que par corruption du sens original que l'on peut rétroactivement rapprocher cuissage de cette partie du corps.

Nom commun modifier

Singulier Pluriel
cuissage cuissages
\kɥi.saʒ\

cuissage \kɥi.saʒ\ masculin

  1. Dépucelage.
    • Droit de cuissage.
    • Voilà où il conduisait ses enfants le dimanche, des enfants honnêtes, surveillés, et dont les envies mauvaises s’anémiaient toute la semaine dans le silence morne des cabinets. Il leur ouvrait ce champ d’horizon. Il les mettait tout un jour dans cette grande joie impudique, parmi ces gens qui vivaient avec leurs bêtes dans une atmosphère de rut, de cuissage et de chiennerie. — (Marcel Aymé, La jument verte, Gallimard, 1933, collection Le Livre de Poche, pages 174-175.)
  2. (Sens figuré) Abus de droit, exploitation.
    • Le clivage gauche droite est un leurre, un lièvre, donné aux gueux d’électeurs pour détourner leur attention de cette stratégie d’importation massive de chair fraiche, utile pour sa main d’oeuvre de faible coût, pour le chômage inhibiteur des revendications sociales et pour les cuissages en tout genre des seigneurs sur les serfs. — (chat)

Synonymes modifier

Traductions modifier

Anagrammes modifier

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Références modifier

  1. Frédéric GodefroyDictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle, édition de F. Vieweg, Paris, 1881–1902 → consulter cet ouvrage (cuisage), Frédéric GodefroyDictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle, édition de F. Vieweg, Paris, 1881–1902 → consulter cet ouvrage
  2. — (Frédéric Godefroy,Ibid.)
  3. Jean Papon sur l’encyclopédie Wikipédia  
  4. Braveheart sur l’encyclopédie Wikipédia  
  5. Boureau, Alain (Septembre 1998) [1995:Albin Michel Le droit de cuissage: La fabrication d'un mythe (XIIIe–XXe siècle)]
  6. Voltaire, Essai sur les mœurs, Chapitre 52, Louis Moland (éd.), t. 11, p. 428. Consultable sur Wikisource