manger la grenouille

Français modifier

Étymologie modifier

(fin XVIIIe siècle) Dans l’argot militaire, la grenouille désignait la « caisse du régiment », parce qu’à l’époque les tirelires avaient souvent la forme d’une grenouille (qui avale les pièces par sa large bouche). Voyez aussi la citation du Courrier de Vaugelas, ci-dessous. Dans le Dictionnaire de l’Académie française, 7e édition (1884), on lit : « En termes populaires et particulièrement dans le langage des soldats, Manger la grenouille, faire sauter la grenouille, Dissiper, dérober une somme dont on avait la garde ».

Locution verbale modifier

manger la grenouille \mɑ̃.ʒe la ɡʁə.nuj\ intransitif (se conjugue → voir la conjugaison de manger)

  1. (Populaire) S’approprier l’argent d’autrui, que l’on a en garde, pour le dilapider.
    • Trompe-la-Mort a mangé la grenouille, et je sais qu’ils ont juré de l’exterminer. — (Honoré de Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes, 1838-1847, troisième partie)
    • En rouchi, le mot guernoule (grenouille) se dit pour bourse commune, une telle bourse ayant probablement affecté jadis la forme du batracien de ce nom ; ainsi Mète al guernoule veut dire mettre à la masse. Cette signification a passé en français ; dans la langue familière, nous employons grenouille avec le sens de somme d’argent mise en réserve par une association, prêt, argent de l’ordinaire parmi les soldats : Il tenait la grenouille. (Vidal, cité par L. Larchey) Or, comme l’argent se prend et se dépense, on a fait naturellement les deux expressions suivantes […]
      Faire sauter, emporter la grenouille pour dire dérober, escamoter une somme d’argent qui appartient à plusieurs : Alors ce monstre d’homme commence à me raconter comme quoi il a fait sauter la grenouille de la Société. (L. Reybaud, Jér. Pâturot, V, p. 39 [1793])
      Manger la grenouille, qui se dit de quelqu’un dans une administration quelconque, civile ou militaire, qui s’empare de l’argent de la caisse, et le mange (dissipe) comme s’il était à lui : Un pion déclassé, un sergent qui a mangé la grenouille se jettent dans la politique comme des Corses dans le maquis. (Ed. About, dans le Soir) — (Le Courrier de Vaugelas, 5e année, deuxième édition, no. 23, 1er mars 1875)
    • Les soldats s’imaginent toujours que les sergents-majors mangent audacieusement la grenouille. — (Émile de La Bédollière, cité par Lorédan Larchey, Les Excentricités du langage français, 1861)
    • La mortalité particulière à ses mandataires était entrée dans les calculs de Trompe-la-Mort, au moment où il résolut de manger la grenouille au profit de Lucien. — (Honoré de Balzac, La Dernière Incarnation de Vautrin, première partie : Les Mystères du préau, Bruxelles, 1847)
    • […] je me mets à songer à mon pauvre vieux bougre de père qui n’a vraiment pas de veine avec sa progéniture. Il avait déjà un fils qui mangeait la grenouille. Il va apprendre, un de ces jours, que son autre enfant est un maître chanteur. — (Victor Méric, Les Compagnons de l’Escopette, Éditions de l’Épi, Paris, 1930, page 229)
  2. Faire faillite.
    • Quelle scoumoune pour le restaurateur, à nourrir tout le monde à l’œil, il va manger la grenouille ! — (Jyhel, La Bulle du temps, 2011)
    • Quelques années plus tard, elle apprit que le banquier avait mangé la grenouille, qu’il avait dû tout vendre, [...]. — (Jean-Jacques Brochier, Odette Genonceau, J’ai Lu, p. 33)

Variantes modifier

Prononciation modifier

Voir aussi modifier