Le cœur sémantique de la racine est l'idée de caché (جَنَّ(janna)) et de ce fait invisible. L'invisibilité peut être due matériellement à une couverture (جِنٌّ(jinnũ)) ou à l'obscurité (جُنَانٌ(junânũ)). Mais c'est aussi celle du cadavre, que l'on cache dans un suaire puis au tombeau (جَنَنٌ(jananũ)).
De là, toutes les forces invisibles de la nuit sous forme de djinn (جِنٌّ(jinnũ)), qui tourmentent et rendent fou (مَجْنُونٌ(majnûnũ)), autre grande série de sens de la racine.
L'enveloppe qui cache peut être protectrice, comme la matrice enveloppant (et cachant) le fœtus (جَنَّ(janna)), un bouclier (مِجَنَّةٌ(mijann@ũ)), ou le mur protecteur du jardin (جَنَّةٌ(jann@ũ)) comparé à un paradis sur terre.
Il semblerait que le latin genius et genialis soient apparentés à جِنَنٌ(jinanũ), plus spécifiquement à جِنَنِيٌّ(jinaniy²ũ). Mais la racine a une famille nombreuse tant du côté indo-européen que du côté des langues sémitiques, et il est difficile de savoir qui a influencé qui.
Genius, dieu qui donnait la vie à toutes choses, est à rapprocher du latin gigno (« engendrer »), de l’indo-européen commun *g^en (« porter ») dont est aussi issu nascor (« naître »), le grec ancien γεννάω, gennao (« enfanter »), γείνομαι, genomai (« naître »), γίγνομαι, gignomai (« naître ») (→ voir genèse, gène et -gène), l’anglais kind (« espèce » ; latin gens), l’allemand Kind (« enfant » ; latin genus), sanskrit जनति, janati (« engendrer ») et जना, jana (« naissance, origine »).
Mais جِنَنٌ(jinanũ) est également à rapprocher du araméen ܓܢܝܐ, ginnaya (« déité tutélaire ») ; et la même racine arabe donne جَنِينٌ(janînũ) (ici, « embryon caché ») et جَنَّ(janna) (ici, « enveloppé et couvert, du fœtus dans l'utérus »). Par ailleurs, le nom d'outil, مِجَنٌّ(mijannũ) (« ceinture, bouclier ») est à rapprocher du syriaque classique ܡܓܶܢܳܐ, məgennā (« bouclier »), du phénicien 𐤌𐤂𐤍, mgn (« bouclier »), de l'hébreu מָגֵן, māgén (« bouclier »).
La racine donne directement djinn en français ; et pour de nombreux auteurs, génie et génialvia le latin.