Discussion:pataquès

Dernier commentaire : il y a 5 ans par Patatruc

Il est quand même regrettable que dans la définition même de "pataquès" ("Déformation de la phrase « Je ne sais pas à qui est-ce », devenue « Je ne sais pataquès »"), l'article commette un beau pataquès. A mieux parler, il aurait fallu écrire: "Déformation de la phrase « Je ne sais pas à qui c'est ». En effet, l'un des pataquès (au sens large) les plus courants aujourd'hui ne concerne pas la liaison, mais l'inversion du sujet et du verbe due à une confusion entre la construction directe et la construction indirecte de l'interrogation... Alors, certes, c'est bien cette phrase qui (selon Domergue via Littré) serait à l'origine du terme: « je ne sais pas-t-à-qu’est-ce ? ». Mais comme on le voit dans l'anecdote, le jeune homme, lui, construit correctement son interrogation directe et probablement, par conséquence, l'interrogation indirecte. Ce n'est donc pas cette phrase qui est déformée: « Je ne sais pas à qui est-ce ». Il n'y pas même déformation, mais imitation ironique d'un parler populaire incorrect, et cela au cube, puisque l'expression « Je ne sais pas-t-à-qu’est-ce? » comporte trois fautes: une liaison, une élision, et une inversion sujet/verbe. D'où l'on peut penser que la restriction de l'extension du sens propre de "pataquès" à une faute de liaison est peut-être excessive. Toutefois, dans l'incertitude de l'origine de "pataquès", il conviendrait de s'en tenir à la définition de Littré ("Faute de langage, qui consiste à faire entendre un T final quand il y a un S, ou réciproquement, etc.") et en tous cas de supprimer celle de Wikipédia qui risque de conforter la faute, déjà trop répandue, de l'inversion du sujet et du verbe dans le style indirect.

(Commentaire fait par l’IP 82.224.98.159 - 14 décembre 2013 à 16:00)


J’ai modifié l’étymologie en remontant à l’attestation la plus ancienne AMHA actuellement trouvable (Laujon, 1776), qui définit en effet clairement le terme comme désignant une faute (complètement volontaire) de liaison. Ceci dit, il me semble probable que l’erreur de syntaxe (« qui est-ce » au lieu de « qui c’est ») elle aussi était volontaire, pour grossir encore plus l’aspect faussement « populaire » de l’expression.

Il me semble que Wikipedia ne donne aucune définition erronée du terme, ou alors il faudrait préciser dans quel article.

J’ai essayé de retracer le parcours parallèle de l’expression et de la fameuse « anecdote de l’éventail », complètement apocryphe car apparue en 1799-1800 et se situant explicitement dans la période révolutionnaire alors que la locution était attestée bien antérieurement sous l’Ancien Régime :

  • 1776 : première attestation par Laujon sous la forme pas ta qui est-ce, clairement définie mais qui ne dit rien sur l’origine concrète du terme (mot d’esprit ? autre anecdote issue du monde du théâtre ? on ne saura peut-être jamais).
  • 1784 : première attestation du mot pataquès dans le titre d’une pièce en un acte : Le benjamin d’la bonne ou La boëte aux pataquès, par M. de Blois. Malheureusement, le mot n’apparait nulle part en-dehors du sous-titre boëte à pataquès, qui ne trouve d’ailleurs aucune explication claire dans le corps de la pièce.
  • 1799 : Domergue utilise l’expression dans un échange polémique sous la forme pat-à-qu’est-ce (le même Domergue qui présentera 6 ans plus tard le terme comme « nouveau »... no comment !) : Urbain Domergue, membre de l’Institut national, à son collègue Pierre-Louis Rœderer.
  • 1799 ou 1800 : première version de l’« anecdote à l’éventail », où la locution est exploitée par Charles Henrion pour faire la satire des « nouveaux riches » (il y en a d’autres dans la suite du texte).
  • 1801 : André Grétry utilise également pat-à-qu’est-ce dans De la vérité, pour se moquer des supposées manières de cour affectées par les artisans émancipés de la période révolutionnaire (tout comme Henrion et Domergue).
  • 1802 : Alphonse Louis Dieudonné Martainville fait paraitre la pièce en un acte Pataquès, ou le barbouilleur d'enseignes, qui semble avoir connu un certain succès. Le personnage principal y commet un nombre incalculable de pataquès.
  • 1805 : suite de l’anecdote à l’éventail, revue et augmentée par Domergue. La charge contre les « parvenus » y est encore plus lourde que chez Henrion, elle s’élargit à un dialogue entre trois personnages, dont deux épouses de sans-culottes présentés de manière grotesque.
  • 1809 : l’anecdote apparait sous une forme simplifiée, expurgée de ses sous-entendus « idéologiques » (Journal des deux-sèvres, politique, littéraire, commercial, de la Société d'agriculture et de l’Athénée). C’est celle qui sera reprise par la suite, notamment par Littré, jusqu’à aujourd’hui. On peut en trouver diverses variantes, par exemple les trois personnages se rencontrent dans un train, etc.
  • 1810-1830 : pas énormément d’occurrences, le mot sous sa forme moderne pataquès commence vraiment à se répandre dans les années 1820, avec déjà les premiers glissements de sens (exemple : Félix Bodin, Complainte sur la mort de haut et puissant seigneur le Droit d'aînesse, 1826). Il commence aussi à entrer dans les dictionnaires sous une forme ou une autre.
  • Pendant une période difficile à déterminer, le mot n’a pas encore de forme vraiment fixe, témoin le Dictionnaire universel des connaissances humaines d’Adolphe Benestor Lunel (1858), citant les variantes qui avaient encore cours à l’époque.

Voici le texte de l’anecdote version 1805 par Domergue :

« Un beau-diseur était au spectacle dans une loge à côté de deux femmes, dont l’une était l’épouse d’un agioteur ci-devant laquais; l’autre, d’un fournisseur, ci-devant savetier. Les fournitures et l’agio avaient enrichi les deux sans-culottes, et l’or, les diamants, brillaient sur les habits des deux princesses. Tout-à-coup le jeune homme trouve sous sa main un éventail : Madame, dit-il à la première, cet éventail est-il à vous? — Il n'est poin-z-à moi. - Est-il à vous, en le présentant à l’autre ? — Il n’est pat-à moi. — Le beau-diseur, en riant : il n'est poin-z-à vous, il n’est pa-t-à vous, je ne sais pat-à-qu’est-ce.
Cette plaisanterie a couru dans les cercles, et le mot est resté. »

--Patatruc (discussion) 21 juillet 2018 à 17:06 (UTC)Répondre

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